Les peintures à la tempéra étaient étroitement liée aux peintures à la détrempe. On y ajoutait des matières grasses qui formaient un film plus résistant à l’humidité, afin d’assurer la pérennité de l’œuvre.
À l’heure actuelle, il y a une volonté de mieux définir les peintures à la tempéra.
Pourquoi ? Parce que des peintures émulsionnées, qu’elles soient synthétiques ou naturelles, il y en a énormément, bien plus que nous le pensions.
Beaucoup ont été créées afin de s’approcher de l’aspect des peintures anciennes, d’autres pour répondre à des normes de santé.
Du coup, le terme tempéra est employé à tort et à travers. Et les artistes professionnels, comme amateurs, se font duper à l’achat de certaines peintures. Et voici pourquoi.
Les différents types de peintures émulsionnées
Il existe deux grandes catégories d’émulsions, les émulsions maigres et les émulsions grasses.
La nature maigre ou grasse est caractérisée par la substance (le solvant et le liant) qui englobe les autres éléments qui sont dispersés dans le mélange. Cette substance est soit soluble à l’eau, soit soluble par un solvant gras.
Comme expliqué dans mon article Les différents types de peintures, il existe des tensioactifs qui aident à lier et homogénéiser les éléments gras et maigres dans une même peinture, lors de sa mise en œuvre.
Les émulsions maigres
Les émulsions maigres se caractérisent par des gouttelettes d’huile (éléments gras) dans de l’eau (milieu maigre). Ce sont les émulsions maigres qui caractérisent les peintures à la tempéra à l’heure actuelle.
Les éléments gras, baignant dans de l’eau, s’enlèvent avec l’eau, étant intégrés à un liant soluble à l’eau, après séchage.
C’est pour cela qu’il y a une différence de prix dans les gouaches. Les gouaches de bas prix sont des émulsions maigres dont les éléments gras coûtent moins chères que des agents de conservation, employés dans les gouaches extra-fines, qui sont de véritables peintures à la détrempe.
Le souci est que dans les autres langues, le terme tempéra est utilisé pour désigner des peintures lavables à l’eau, ne faisant pas cette distinction que nous employons à faire dans la langue française entre le terme détrempe et tempéra.
Les émulsions grasses
Comme vous l’aurez compris, les émulsions grasses se caractérisent par des gouttelettes maigres, semblables à de l’eau, dans un milieu gras, semblable à de l’huile.
La présence d’un liquide aqueux influence sur la rapidité de séchage de ces peintures. Mais nécessite l’utilisation d’un solvant gras pour solubiliser le film pictural.
C’est le cas de certaines peintures issues de la pétrochimie, comme les peintures à l’alkyde. Anciennement appelées oléo-glycérophtalique ou glycérophtalique, les peintures à l’alkyde donne un film d’aspect satinée, sec au toucher après une heure, le cœur de la couche picturale est totalement sec après plusieurs semaines.
Les résines alkydes ont été travaillé de sorte à créer des peintures de plus en plus lavables à l’eau et sont plus employées dans le bâtiment, pour imperméabiliser les murs de l’eau et de l’humidité.
Oui, je sais, c’est complétement contradictoire ce que je viens d’écrire, mais ce sont des peintures créées pour avoir les avantages de la peinture à l’huile tout en ayant pas à les laver avec des solvants agressifs. Des résines ont été synthétisées de sorte à être solubilisées à l’eau, lors de la mise en œuvre, puis irréversibles après séchage.
Il est possible de faire le même parallèle avec la peinture au jaune d’œuf. Il se mélange bien à l’eau grâce au blanc d’œuf qui est composé principalement d’eau. Après séchage du film pictural, le jaune d’œuf est irréversible à l’eau et résiste à beaucoup de solvants. Donc les peintures à l’eau qui sont irréversibles ne sont pas que synthétiques.
Je tiens à avertir que je ne fais qu’illustrer grossièrement la composition de ces peintures, ne prenant pas en compte d’autres procédés de fabrication qui expliquent en quoi elles sont sensibles à l’eau. Je tiens à réaliser d’autres articles à ce sujet pour clarifier.
Le plus important est de comprendre que malgré toutes ces peintures dites à l’eau, elles donneront des temps de séchage et des aspects optiques très différentes, ce qui peut influencer la construction de vos peintures par couche.
Exemples de peintures émulsionnées
Les plus connues de ces peintures émulsionnées sont les peintures à l’œuf.
Comme les peintures à la colle animale qui sont représentatives des peintures à la détrempe, les peintures à l’œuf sont les représentants des peintures à la tempéra dans l’histoire de l’art.
Bien que la distinction s’est faite depuis peu, les peintures à la tempéra seraient employées depuis la nuit des temps, comme les peintures à la détrempe.
Dans des textes anciens, la tempéra pouvait désigner le liant de la peinture. Ceninno Cennini employait le terme de tempéra pour désigner un vernis gras.
En effet, le jaune d’œuf est un tensioactif et permet d’introduire des liants différents dans une même peinture comme de l’huile, de la cire et des résines.
Les peintures à la détrempe et à la tempéra seront remplacées par la peinture à l’huile au 16e siècle dans l’Europe. Et c’est à partir de ce moment que le terme tempéra a été réservé pour les peintures à l’œuf, qui est la technique de prédilection pour les œuvres religieuses, dont les icônes.
La peinture à l’œuf s’est restreinte dans l’Empire Byzantin qui c’est transmis en Russie, suite au développement de commerces de fourrures. La culture byzantine du Moyen Age a été profondément ancrée dans les pays orthodoxes que nous connaissons.
Pourtant, il existait les peintures à la caséine et à la cire, qui sont des émulsions. Ces peintures sont classées dans les peintures à la tempéra actuellement.
D’ailleurs, les icônes byzantines se basent sur les portraits du Fayoum. Ces portraits, exécutés entre le 1er et 4e siècle de notre ère, sont peintes à la cire (peintures à l’encaustique) sur des panneaux en bois qui accompagnent les défunts égyptiens.
On peut citer aussi le mouvement artistique Nazaréen, formé au 19e siècle. Des peintres allemands ont voulu réhabiliter l’art via la religion chrétienne et se sont inspirés des peintres du Moyen Age et de la Renaissance italienne.
Les Nazaréens vont donc réhabiliter des recettes de peintures à la tempéra, dont la peinture à l’œuf et des techniques de peintures murales. N’arrivant pas à peindre rapidement dans le frais, ils vont développer des recettes de peintures émulsionnées à la caséine, à la cire et/ou à l’huile afin que les peintures murales gardent un aspect mat ou satinée, tout en préservant les œuvres de l’humidité.
Conclusion
Comme les peintures à la détrempe, les peintures à la tempéra étaient employé depuis longtemps. Tantôt, le terme tempéra était employé pour des techniques picturales mixtes incluant des vernis gras, tantôt pour désigner des liants gras, donnant un aspect brillant aux peintures.
C’est seulement au 16e siècle que le terme tempéra sera réserve aux peintures à l’œuf dont cette technique picturale disparaîtra de l’Europe pour migrer en Russie, Grèce, Macédoine, Chypre, Bulgarie et dans d’autres pays orthodoxes d’Orient à l’époque actuelle.
Les peintures à la tempéra seront réintégrées dans l’Europe au 19e siècle, suite au développement de l’archéologie et de l’intérêt portée sur le Moyen Age. De nombreuse peintures seront créées pour ressembler aux œuvres de cette époque et par conséquent, aux œuvres des peintres de la Renaissance italienne.
Actuellement, le terme tempéra désigne des peintures émulsionnées maigres ou grasses, lavable à l’eau, mais irréversible après séchage pour certaines d’entre elles.
Il faut bien se renseigner quand vous voulez acheter une gouache, qui est bien une peinture à la détrempe et non une peinture à la tempéra 😉
Merci d’avoir lu jusqu’ici ! N’hésitez pas à me laisser un commentaire et à la semaine prochaine pour un autre article 😁
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